La viande de gibier à l’honneur : avantages, défis et impact sur l’avenir de l’alimentation
Échange musclé entre un chasseur et Alain Bougrain Dubourg.
- Julien Barraquand
- juin 4, 2018
Pascal Meheust un chasseur passionné avait sur les réseaux sociaux attirés de nombreux chasseurs sa cause. En effet après une émission relayée sur RTL et dont l’invité principal est Monsieur Bougrain Dubourg il écrit une lettre qui est parvenue à l’intéresser:
Monsieur Pascal Meheust avait écrit :
Monsieur,
Le 20 mai dernier à 8h50, vous étiez l’invité de RTL qui vous interviewait à propos de la perte de la biodiversité, que nous déplorons tous. Pour illustrer vos propos, vous avez cru bon d’attaquer la décision du Président de la République de donner la possibilité aux chasseurs de prolonger la chasse des oies en février. Que viennent faire les oies dans ce sujet de la perte de biodiversité, je vous le demande. Vous savez pertinemment que les oies cendrées notamment connaissent une expansion considérable, et qu’elles sont gazées sur leur lieu de nidification pour éviter les dégâts aux cultures.
Alors je ne vois dans cette illustration, que la volonté de votre part de nuire au monde de la chasse par votre malhonnêteté intellectuelle en détournant la vérité à votre profit.
Cette perte de biodiversité sonne en fait un échec cuisant des ONG dites de protection de la nature qui depuis 30 ans se gavent de subventions publiques, font quelques coups médiatiques lorsqu’il s’agit de lâcher des ours ou de défendre l’expansion des loups en France, pendant que la biodiversité ordinaire se meurt ! Mais où sont passés ces millions d’euros grassement distribués par le contribuable ?
Je me suis pris un temps à rêver que nous pourrions unir nos forces afin de lutter contre ce drame que représente la perte de biodiversité. Nous avons des intérêts en commun : la préservation des milieux et des espèces. Mais force est de constater que par votre position sectaire et idéologique, ce rêve s’envole progressivement.
Lors de votre interview, vous avez également parlé de la disparition des zones humides. Ayez Monsieur, l’honnêteté de reconnaitre que bon nombre de zones humides sont préservées par les chasseurs. Mais non, vous préférez asséner à coups d’interviews successives devant un public, qui pour sa majorité ne comprend plus rien à la nature tellement il vit dans un monde virtuel, que les chasseurs détruisent la biodiversité. C’est faux !
Pour ma part, je suis propriétaire d’un marais d’une dizaine d’hectares que j’ai acheté pour une bouchée de pain il y a 15 ans. Ce marais n’avait plus de marais que le nom. Faute d’entretien, le milieu était totalement fermé et n’abritait plus guère que des sangliers. À force de travaux de fauchage, de curage, et maintenant d’entretien régulier, ce marais est aujourd’hui un exemple de restauration de biodiversité. Alors certes, j’y chasse. Je prélève environ une centaine de canards par saison, mais lors de la nidification, le marais en produit plus de 300. Et que dire des espèces non chassables qui ont colonisé les lieux ! Butor étoilé, colonie de barges à queue noire au mois d’août, de nombreux batraciens, des libellules à foison ! Voilà cher Monsieur l’exemple concret de la participation des chasseurs à la restauration de la biodiversité. Et mon exemple est très loin d’être isolé.
A contrario, je pourrai vous citer plusieurs exemples de zones humides qui, sous la pression d’organisations dites de protection de la nature, ont été interdites à la chasse. Mais plutôt que de continuer à entretenir ces zones, ces organisations les ont abandonnées. Inutile de vous préciser le résultat de cet abandon ? La préservation de la biodiversité n’est pas toujours du côté de ceux que l’on pense !
Alors Monsieur, de grâce, cessez à grand renfort de micros et de caméras de détourner la vérité à votre profit. La biodiversité ne s’en portera que mieux. Lorsqu’il n’y aura plus de chasseur pour entretenir le peu de zones humides qui restent, vous n’aurez plus que vos yeux pour pleurer et expliquer à qui veut l’entendre que c’est la faute des chasseurs !
Pascal Meheust,
Chasseur de gibier d’eau participant activement à la préservation de la biodiversité
La réponse de Alain Bougrain Dubourg arrive quelques semaines après ce courrier .
Monsieur,
Votre mail du 21 mai m’a bien été transmis. Si j’y réponds, c’est uniquement parce que vous soulevez de véritables questions et avancez des arguments sur le fond. Ce qui semble démontrer une véritable envie de discuter. Aussi je préfère mettre vos quelques insultes et jugements de valeur sur ma propre personne sous le coup de la colère (comme la « malhonnêteté intellectuelle » ou les « positions sectaires et idéologiques »). Nous pouvons évidemment ne pas avoir les mêmes analyses, mais vous pourrez difficilement mettre en doute mes convictions. Et puisque nous avons la chance de pouvoir échanger sur le fond, laissez-moi revenir sur les différents points que vous soulevez.
D’abord concernant la soi-disant autorisation de chasse aux oies cendrées en février donnée par le Président de la République. Ce n’est pas le Président de la République qui fixe les dates d’ouverture et de clôture de la chasse. Et ce n’est pas lui qui fait les textes. Il y a longtemps qu’il n’y a plus d’édits royaux. La France est une République, qui fait partie de la Communauté européenne. Elle a approuvé la directive oiseaux qui dit notamment qu’on ne chasse pas les oiseaux en migration de retour sur leurs lieux de nidification. Ce n’est pas seulement une question d’état de conservation de l’espèce.
Les Pays Bas n’avaient plus d’oies au début du 20ème siècle. Ils ont su développer de vastes zones de quiétude. Aujourd’hui, ils doivent faire face effectivement à des dégâts agricoles et, plus spécialement à des soucis de sécurité aérienne autour de l’aéroport international de Shipol (je vous confirme qu’il se tue des centaines d’oiseaux, dont certains protégés, à titre préventif autour des aéroports français). Les oies, dont il est question aux Pays Bas, sont sédentaires, et pour un grand nombre d’entre elles semi domestiques. On peut voir sur certaines vidéos que des personnes les rassemblent à pied, comme du bétail et que beaucoup de ces oies sont des bernaches du canada, nonnettes …! Les prélèvements ont lieu ponctuellement, après reconnaissance des dégâts. Les destructions ont lieu sous contrôle de l’Etat. Ce qui n’est absolument pas le cas en France. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de chasse des oies migratrices, cette dernière est interdite aux Pays Bas ! C’est pourquoi elles ont pu, par le passé, être ponctuellement tuées par gaz. Je m’y suis publiquement opposé. En tout état de cause, ce n’est pas en tuant davantage d’oies « françaises » que l’on réduira les populations néerlandaises…
Quoiqu’il en soit, nous avons suivi avec attention la volonté de l’Etat français d’un plan de gestion des oies à l’échelle européenne sous l’égide de l’AEWA, un organisme international spécialisé. Pour demander une telle procédure, le pays demandeur doit avancer le mauvais état de conservation de l’espèce en question, ou des problèmes de dégâts. Ce qui, encore une fois, n’est absolument pas le cas en France. La LPO est venue à une réunion au Ministère en charge de l’écologie, avec les instances cynégétiques et le directeur de l’AEWA pour envisager un tel plan de gestion malgré ce manque de légitimité de la France pour le faire. C’était le 27 janvier 2015. Nous avons conditionné notre participation à cette réflexion au respect des textes en vigueur pendant ce travail collaboratif. Ce qui est la moindre des choses vous en conviendrez. Le lendemain la Ministre de l’écologie écrivait aux Préfet et au Directeur général de l’ONCFS pour leur ordonner de ne pas respecter les dates de clôture de la chasse…. Reconnaissez qu’il y a meilleur moyen pour instaurer la confiance…
A l’occasion de cette réunion, les différents pays européens ont pu présenter les chiffres des tableaux de chasse des différentes espèces d’oies. Pas la France puisque les données de prélèvement ne sont pas connues. Comment connaitre l’état des « stocks » alors qu’on ne connait même pas la réalité des prélèvements ? L’ONCFS essaye vainement de mettre en place un tel suivi pour l’ensemble des espèces chassables. Voilà la deuxième des conditions préalables à la mise en place d’un plan de gestion.
En fait la motivation française ne tient ni au mauvais état de conservation de l’espèce, ni à des problèmes de dégâts. Il s’agit seulement d’essayer de prolonger les périodes de chasse. Sans compter les intérêts bassement financiers quand on connait les tarifs de location des huttes… Sans respect donc pour les dates de migration pourtant confirmées par toutes les études sérieuses, dont celle de l’ONCFS. On ne chasse pas les espèces qui ont débuté leur migration de retour. Sans compter que l’activité cynégétique a des impacts sur les autres espèces (dérangement par exemple des oiseaux d’eau).
Le Commissaire Européen Vella a répondu à la Ministre française le 13 mars 2015 que la chasse devait être fermée au 31 janvier de chaque année.
Non vraiment, si les chasseurs français veulent avoir plus d’oies, ils doivent développer de vastes zones de quiétude comme aux Pays Bas. Plutôt que d’essayer d’attraper quelques oies en route vers leur lieu de nidification.
Non la perte de biodiversité n’est pas un échec cuisant des associations de protection. Partout où nous avons pu agir nous avons eu de beaux résultats. Les études démontrent qu’il y a beaucoup plus de diversité biologique dans les espaces naturels que nous gérons en propriété propre ou pour le compte des collectivités ou de l’état. Nous avons réalisé une étude approfondie à l’occasion des 40 ans de la loi de juillet 76. Je vous invite à la consulter sur https://www.lpo.fr/connaissance-de-la-biodiversite/40-ans-de-protection-de-la-nature-1976-2016-oiseaux-et-milieux
Nous avons de beaux résultats non seulement sur les milieux mais aussi sur des groupes entiers d’espèces : rapaces, ardéidés, cigognes, sans compter les loutres, castors etc. L’effondrement concerne effectivement les milieux agricoles et urbains sur lesquels nous avons moins de prise. Mais vous pouvez compter sur notre entière détermination, nous y travaillons.
Votre connaissance du financement de nos associations est on ne peut plus fausse. Vous reprenez naïvement un discours populiste quand il vous suffirait d’aller sur le site de la LPO pour analyser nos comptes.
En premier lieu la LPO a un budget annuel de l’ordre de 14M€, dont 63% sont des fonds privés et 37% des fonds d’origine public. Les fonds privés proviennent essentiellement des adhésions, dons, legs, ventes de la boutique, prestations de services intellectuels à des entreprises. Parmi les fonds publics, 11% proviennent des collectivités, 50% de l’Etat et 23% de l’Europe (grâce à la LPO qui dépose des projets, des fonds européens viennent sur le territoire national).
Ce ne sont pas des subventions au sens où il n’y a plus de subvention dite de fonctionnement -c’est-à-dire pour payer des salaires ou frais généraux depuis 30 ans environ en France : ce sont des rémunérations pour des prestations à fournir. L’Etat et les collectivités passent une commande pour un résultat concret, la plupart du temps sur appel d’offre et mise en concurrence comme pour la gestion des réserves naturelles. La LPO peut répondre et faire une offre comme n’importe quel prestataire du secteur marchand ou non marchand.
Souvent l’Etat et les collectivités ont des obligations en matière d’environnement et feraient faire ce travail de toute façon. La LPO peut, comme lorsqu’elle gère une réserve naturelle, agir pour le compte de l’Etat par délégation. Il en coûte généralement beaucoup moins cher à la collectivité publique de confier des travaux, expertises, conseils, animations… à la LPO qui bénéficie de connaissances et savoir-faire acquis au fil des années, et d’une armée de bénévoles. On peut donc affirmer que la LPO permet aux français de faire des économies et de payer moins d’impôts.
Toute la connaissance naturaliste en France est par exemple fournie par des bénévoles associatifs. La LPO a patiemment rassemblé une base de 50 millions de données scientifiques, offertes gratuitement à la société française. A raison de 20 secondes de saisie sur un smartphone, il faudrait 1200 fonctionnaires à temps plein chaque année pour faire ce travail. Et encore sans compter les années de formation préalables qui seraient nécessaires pour identifier les espèces.
Une étude récente conduite par un cabinet extérieur indépendant, a conclu que pour un 1€ confié à la LPO, cette dernière en rend 25 à la société française en retombées écologiques (services écosystémiques), sociaux (connaissance, animation…) et économiques (dépenses directes, indirectes et induites).
Rajoutons que la LPO consacre 87% de ses ressources directement à des actions de protection de la nature définies dans son objet statutaire (8% de frais de fonctionnement et 5% de frais de collecte). Reconnue d’utilité publique, elle fait l’objet de nombreux contrôles indépendants (Commissaire aux comptes, Cour des comptes, financeurs, etc.) qui garantissent la qualité de son fonctionnement et le bon usage des fonds qui lui sont confiés. Ses comptes sont transparents et accessibles sur son site (www.lpo.fr/presentation-rapports-moraux-et-dactivite)
Nous sommes fiers du dernier rapport de la Cour des Comptes concernant la LPO. Pouvez-vous en dire autant de celui concernant la Fédération nationale des chasseurs ? Voulez-vous que nous regardions ensemble la gestion d’un grand nombre de fédérations départementales dont celle des Bouches du Rhône ?
Oui, je ne doute pas que certaines zones humides puissent être entretenues et maintenues grâce à l’activité cynégétique notamment. Ce que vous faites, tel que vous le décrivez, me parait effectivement exemplaire. Mais il est faux de penser que seule la chasse est à même de préserver les milieux humides. Aujourd’hui l’activité touristique est souvent la première ressource financière dans un grand nombre de départements ruraux. La découverte de la nature représente aussi une activité économique majeure et croissante.
Vous avez rêvé un moment que nous puissions unir nos forces pour s’attaquer ensemble à l’érosion de la biodiversité ? Chiche ! Il faut juste pour cela que des voix s’élèvent au sein du monde de la chasse pour moderniser la chasse française : qu’elle arrête de s’opposer à tous les projets de création d’espaces naturels, qu’elle arrête de chasser 20 espèces d’oiseaux inscrites sur les listes rouges de l’UICN dont deux menacées au niveau mondial, qu’elle arrive enfin à évaluer et révéler ses propres prélèvements (!), qu’elle s’interroge sur les conséquences des lâchers annuels de millions d’animaux d’élevage, qu’elle repense les pratiques cruelles et gratuites d’un autre âge comme le déterrage des blaireaux ou le piégeage des oiseaux à la glu, qu’elle s’attaque aux trafics financiers du braconnage des oiseaux pour la bouche ou le chant, qu’elle dénonce publiquement les mauvaises pratiques en son sein…
Merci, en toute transparence, de bien vouloir adresser copie de la présente réponse à votre Fédération départementale des chasseurs, la Fédération nationale des chasseurs, l’ANCGE et RTL.
Cordialement
Allain Bougrain Dubourg
Président LPO France
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