La viande de gibier à l’honneur : avantages, défis et impact sur l’avenir de l’alimentation
Le cerf élaphe, plus grand ongulé de France
- Denis Plat
- juillet 21, 2021
Plus grand ongulé de France, le cerf élaphe, Cervus Elaphus, peuple aujourd’hui une grande partie de nos forêts. C’est l’animal le plus beau et le plus majestueux de nos forêts européennes. Le rencontrer est toujours un moment inoubliable. Il a inspiré de nombreux écrivains dont Maurice Genevoix :
« Tout droit, le cou large et velu, il portait haut son chef couronné d’une ramure ample et sombre. Ses yeux songeurs regardaient au loin devant lui. Lorsque le remous des échines se fut refermé sur son corps, ses bois royaux continuèrent de surgir, haut dressés, par-dessus les bêtes de son clan. »
Présentation et carte d’identité
Il s’agit du plus grand herbivore de nos forêts. Pouvant atteindre 150 cm au garrot, pour un poids pouvant parfois dépasser les 200 kg, le cerf élaphe sait, malgré sa carrure, se faire discret et se faufiler dans les bois sans aucun bruit. Il possède un poitrail massif et un cou élancé. Chez cette espèce, comme chez le chevreuil, le dimorphisme sexuel est très marqué entre le mâle et la femelle (biche). En effet, au-delà de la différence de taille et de poids, le cerf porte des bois, que la biche n’a pas. Chaque année, en fin d’hiver les mâles les perdent. Ainsi, si vous trouvez des mues lors de vos balades, cela signifie que l’espèce est présente sur votre secteur.
Au début de sa vie, le faon aborde un pelage brun tacheté de blanc. Par la suite celui-ci deviendra gris-brun avec un tâche beige sur la croupe. Chez le mâle et la femelle, le poil est similaire, selon les saisons, celui-ci est plus ou moins gris-brun. L’espèce mue deux fois par an, l’été le pelage est léger, l’hiver, pour affronter les conditions extrêmes, il est plus épais et plus foncé.
Les appellations du cerf
L’importance du cerf dans nos cultures européennes peut se mesurer à la richesse du vocabulaire que l’on utilise pour le désigner et le définir.
En fonction de son sexe et son âge
De la naissance à 6 mois, mâle et femelle sont des faons. Le faon femelle gardera ce nom jusqu’à l’âge de 12 mois pour devenir une bichette. À partir de six mois, le faon mâle lui, devient un hère. À 24 mois, la bichette devient une biche et peut déjà être fécondée. Quant au hère, à l’âge de 12 mois, il devient un daguet de 1ère tête (bois en forme de dagues, caractérisés par l’absence de meules).
Les appellations du Cerf d’après son physique :
Lorsque le Cerf est porteur de bois, on le surnomme « cerf coiffé« . A contrario, lorsque celui-ci est « décoiffé », c’est-à-dire qu’il a perdu ses bois, on parle alors de « cerf mulet« . A ne pas confondre avec le « cerf moine » qui lui, ne possède définitivement plus de bois (dû à la vieillesse ou suite à un accident).
Les appellations du Cerf selon ses mœurs
Lorsque de jeunes cerfs tournent autour de la place de brame dans l’espoir d’un moment d’inattention du vieux cerf dominant, on parle de « cerfs satellites« . Un cerf solitaire et méfiant qui n’est visible qu’au moment du brame est nommé quant à lui, « cerf pèlerin« , « cerf fantôme » ou encore « cerf nomade« . On désignera comme « cerf écuyer« , un jeune cerf qui en accompagne un vieux. Enfin, on parle de « biche bréhaigne » lorsqu’une vieille biche est devenue stérile.
Reproduction et biologie de l’espèce
Vers septembre-octobre, la reproduction du cerf à lieu. Celle-ci est indissociable du brame. Ce cri rauque, puissant et grave qui transperce nos forêts à l’automne. Il s’agit de cri émit par le cerf marquant ainsi le rut. A cela, s’ajoute le claquement des bois engendrés par les combats entre mâles. Durant cette période exceptionnelle, les mâles, plein de testostérone, peuvent être violents. Le brame prévient les femelles de la présence du cerf. Lorsqu’elles sont réceptives, environ un jour par an, la saillie a lieu. Pour la biche, la gestation durera environ huit mois.
L’espèce vit dans les grands massifs forestiers comportant clairières et bois clairs. Ils vivent généralement en hardes comprenant entre 30 et 50 femelles, notamment au moment du rut. Parfois celle-ci peut-être bien plus importante. En effet, il s’agit d’une espèce grégaire, matriarcale, dont la zone de vie peut s’étendre sur plus de 3 000 hectares. Cette espèce se porte bien en France grâce à de nombreux facteurs : augmentation de la surface forestière mais aussi plan de chasse rigoureux. Il ne peuplait que les forêts du nord-est du pays en 1985 ; il est présent à peu près partout aujourd’hui
Le cerf élaphe est un herbivore ruminant. Son régime alimentaire se base sur la végétation disponible au cours des saisons. Herbe, jeunes pousses, fruits, glands, feuilles de ronce, écorces, il s’adapte et consomme une nourriture de saison. A ce propos, il paraît utile de préciser encore une fois quel est le régime alimentaire du cerf qui est accusé de tous les maux par les forestiers. L’herbe est la principale portion alimentaire de cet animal…
Gestion de l’espèce et préservation
D’un point de vue cynégétique, le cerf élaphe est soumis à ce qu’on appelle un plan de chasse. Cela permet de réguler les effectifs et de respecter les structures naturelles des populations tout en conservant une diversité génétique. Le plan de chasse est défini au niveau local. Ainsi d’un territoire à un autre les prélèvements ne seront pas similaires. A l’approche, à l’affut, en battue ou à courre, la chasse du cerf passionne et offre des souvenirs inoubliables.
La gestion du cerf doit dans un premier temps, être quantitative et répondre aux objectifs locaux fixés par les parties concernées (chasseurs, forestiers, agriculteurs…) en prenant en compte :
- les équilibres écologiques (valeur alimentaire et intégrité du milieu d’accueil, cohabitation avec d’autres espèces, risques sanitaires) ;
- les activités économiques (dégâts supportables par la forêt et les cultures, revenus de la chasse) ;
- la sécurité sur le réseau routier ;
- la valeur patrimoniale du cerf.
Dans un second temps, cette gestion doit être qualitative. En effet, pour maintenir une structure sociale correcte et éviter les déséquilibres, la règle des trois tiers est utilisée : 1/3 de cerfs coiffés ; 1/3 de biches ; 1/3 de jeunes de l’année (JCB = jeune cerf ou biche, sans détermination de sexe).
Pour l’association nationale des chasseurs de grand gibier, « une forte augmentation de la proportion de biches dans les attributions ne peut se justifier que par la volonté de parvenir à un sexe-ratio mieux équilibré ou de réduire rapidement les effectifs. »
Il y a enfin la question délicate du tir des daguets qui est source de bien des discussions. Comment distinguer un daguet d’avenir à préserver d’un daguet peu prometteur qui pourra être tiré sans dommage pour l’avenir de la population de la zone. Un jeune cerf de première tête perd ses dagues normalement en avril de l’année suivante et il terminera sa deuxième tête avant la mi-août. S’il demeure daguet, il est par définition un mauvais cerf, à éliminer. Notons que l’on peut observer des daguets de troisième tête, à éliminer bien entendu à plus forte raison. Il y a donc un grand intérêt à bien identifier un daguet de deuxième tête.
Chez le daguet de deuxième tête, il y a toujours une meule, que l’on peut parfois arriver à observer à distance, formant une margelle évasée autour du pivot, mais parfois aussi, plus ou moins enfoncé dans le poil. Les dagues sont en général longues (50 cm et plus). De face, elles affectent typiquement une forme arquée en se recourbant l’une vers l’autre. C’est surtout de profil que la tête est caractéristique. La dague, peu après son départ du pivot, se courbe fortement en arrière près du crâne. A partir de l’endroit où devrait se détacher l’andouiller d’œil (inexistant ou à peine ébauché), elle inverse sa flexure pour décrire une ample courbe concave en avant.
Le cerf source de querelle entre chasseurs et forestiers.
La gestion du cerf élaphe n’est pas une mince affaire, les différents acteurs de la ruralité se voient souvent confrontés à des intérêts contradictoires. En effet, trop de prélèvements, entraînerait une chute des populations, ce qui n’est pas recherché. Alors qu’une attribution trop légère engendre chez les forestiers et les agriculteurs une certaine « grogne ». Il est donc primordial de continuer à travailler ensemble afin de trouver le meilleur équilibre agro-sylvo-cynégétique.
A condition que tous les acteurs soient de bonne foi, ce qui n’est pas toujours le cas. L’ONF et certains acteurs sylvicoles privés militent en ce moment pour la disparition des plans de chasse aux cervidés qu’ils accusent d’abimer la forêt. Ceci signifierait que l’animal pourrait être chassé sans aucune limite, ce qui conduirait évidemment à un fort déclin des ses populations. L’effet pervers de cette politique à courte vue est que l’ONF aura du mal à trouver acquéreur pour ses lots de chasse si les cerfs n’y sont plus. Cet organisme ne devrait-il pas plutôt s’interroger sur sa politique de plantations mono-spécifiques plutôt que d’accuser le cerf et les chasseurs ?
Le cerf, symbole religieux
Il a inspiré les hommes dès la préhistoire comme le montrent les gravures de Lascaux. La chute et le refait de ses bois ont toujours été assimilés à l’arbre de vie et sont symboles de renaissance. On retrouve le cerf comme animal symbole de force et de fécondité dans beaucoup de religions païennes et en particulier chez les celtes avec la figure du Dieu Cernunnos.
Dans la religion chrétienne, il a une charge symbolique extrêmement forte. Certains hagiographes de saint-Hubert ou de saint-Eustache l’associent au Christ apparu en croix à ces deux saints entre les bois d’un cerf. Les traités de vénerie insistent ainsi sur le fait que le cerf est un animal destiné à être sacrifié au terme d’un rituel précis, comme le Christ a été rituellement sacrifié. Bien entendu, il est l’animal symbole de saint-Hubert, patron des chasseurs.
Ô Saint Hubert, patron des grandes chasses,
Toi qu’exaltait la fanfare au galop,
En poursuivant le gibier à la trace,
Tu le forçais sous l’élan des chevaux.
Nous, les derniers descendants de ta race,
Arrache-nous aux plaisirs avilis,
Emplis nos cœurs de jeunesse et d’audace,
Dans la forêt, fais nous chasseurs hardis.
Sauve d’abord du Bocage à l’Ardenne
Notre forêt si chère aux vieux gaulois,
Pour qu’à son chant, notre jeunesse apprenne
Les fiers secrets gardés par les grands bois.
Fais nos yeux prompts, et fais nos lèvres claires,
Pour bien lancer, quand viendra le danger,
Le cri de chasse ou le dur cri de guerre ;
« Sus à la bête ! », et courons la traquer.
Tu vis un jour, au fond du hallier sombre
Où tes limiers se pressaient aux abois,
La croix du Christ que le grand cerf dans l’ombre
Couronnait de l’auréole de ses bois :
Mystique appel qui conquit ta grande âme ;
Tu dis aux cours un méprisant adieu. Montre à nos yeux cette divine flamme,
Et conduis-nous camper sur les hauts lieux.
Quand le Seigneur, la chasse terminée,
Appellera notre nom à son tour,
Epargne-nous les tristes mélopées ;
Tu sonneras pour nous le point du jour.
Au grand galop, pour célébrer ta gloire,
Nous bondirons en poussant l’hallali,
Et nous ferons, au fracas des fanfares,
En ton honneur trembler le paradis !
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