La viande de gibier à l’honneur : avantages, défis et impact sur l’avenir de l’alimentation
Pairon de Bécasse en France
- Julien Barraquand
- août 16, 2015
Pairon de Bécasse en France !
« La belle des bois ne délivrera pas tout ces secrets »
Magnifique pairon de bécasse filmé avec un piège photographique Bushnell !
C’est impressionnant de voir leurs facilité lors de leurs déplacement et l’atterrissage aussi rapide fait de la bécasse la reine des bois !
BECASSE – Le clip du film « Dans le secret d’une… par lynceeprod
Critères de reconnaissance
La bécasse des bois est un limicole trapu de la taille d’une perdrix grise. Aucun caractère externe ne permet de distinguer chacun des sexes. La distinction entre juvénile et adulte (> 1 an) est possible à partir de l’examen des plumes de l’aile : usure des rémiges, liseré des couvertures primaires, stade de mue des couvertures secondaires et forme des couvertures sous-alaires.Aucune confusion n’est possible avec une autre espèce. | |
Photo : A. Laurent © |
Caractères biologiques
Régime alimentaire
La majorité du régime alimentaire est constitué de proies animales : lombricidés, larves et imagos d’insectes, myriapodes, crustacés. 80% de son énergie provient de la consommation de vers de terre. Des graines et des végétaux verts sont également absorbés.
Rythme d’activité
La bécasse est, pour l’essentiel de ses populations, une espèce migratrice. La migration se déroule de nuit par petits groupes de 5-6 individus. La migration post-nuptiale s’amorce en septembre en Russie et bat son plein en novembre en France. Elle se déroule sur un large front. Au cours de ce déplacement les familles se dispersent. Les juvéniles sont les premiers à se mettre en mouvement. La migration pré-nuptiale débute fin février en France, l’essentiel du passage a lieu en mars. Les territoires de reproduction les plus éloignés ne sont atteint qu’en mai. Les mâles partent les premiers.
Pendant la période de reproduction, la bécasse est essentiellement active en journée et aux heures crépusculaires. La recherche alimentaire et l’élevage des jeunes (pour la femelle) et les vols de croule (pour les mâles) en constituent l’essentiel. Les bécasses restent en permanence en milieu forestier.
En hivernage, les oiseaux occupent les milieux forestiers (ou les haies) en journée et gagnent en vol (la passée) les milieux découverts (prairies) la nuit. Le rythme d’activité suit généralement le schéma suivant : activité crépusculaire et nocturne/repos diurne. Toutefois certains individus présentent un schéma inversé, d’autres changent de rythme en cours d’hivernage. En période de froid plus intense, les bécasses sont plus actives en journée et ne quittent pas la forêt la nuit. Elles sont fidèles d’une année à l’autre à leur site d’hivernage.
Reproduction
L’espèce est polygame. La femelle est mature à l’âge d’un an.
Les premières manifestations de la période de reproduction sont le fait des mâles qui, soir et matin, effectuent des vols accompagnés de cris : la croule. Ces vols en solitaire peuvent être observés de février (en France) à juillet-août, avec une intensité maximale en mai-juin. Les mâles sont fidèles d’une année à l’autre à leurs sites de croule.
La période de nidification s’étend de mi-février (en France) à août, avec un maximum de pontes qui se décale de mars à juin à mesure que l’on s’élève en altitude ou que l’on progresse vers le Nord et l’Est de l’Europe.
Le nid est disposé à terre. La ponte est composé de (3)4(5) oeufs blanc jaunâtre. Les pontes de remplacement sont avérées. L’incubation dure environ 22 jours. Seule la femelle couve. Les bécasseaux sont nidifuges. Leur croissance est très rapide. Ils effectuent leurs premiers vols vers l’âge de 20 jours et sont indépendants à 2 mois.
Paramètres démographiques
La productivité annuelle est estimée à un peu plus de 2 jeunes/femelle. Les pertes en période de reproduction sont évaluées à 30%. Le taux de survie des poussins jusqu’à l’envol est estimé à 56%.
Les taux de survie sont estimés à 47% pour les jeunes de moins d’un an et 59% pour les adultes en Grande-Bretagne, à 34% et 44% respectivement en France. L’espérance de vie d’un adulte est évaluée à 1,25 années.
Caractères écologiques
Pendant la période de reproduction, la bécasse est essentiellement forestière. Sa préférence va aux grands massifs de feuillus, aux forêts mixtes et aux jeunes plantations de conifères. Un sol frais et humide lui est favorable. La femelle installe son nid le plus souvent en lisière d’une parcelle, d’une clairière ou d’un chemin. La présence, à proximité, de zones riches en lombriciens est déterminante. La végétation au sol des sites d’élevage ne doit pas gêner les déplacements des bécasseaux tout en assurant leur protection vis à vis des prédateurs.En Russie les jeunes forêts à bouleaux (Betula pendula) ou à aulnes dominants (Alnus incana) sont celles où les densités de nicheurs sont les plus élevées. Les vieilles forêts mixtes à bouleaux dominants (Betula pendula) sont également d’excellents habitats de reproduction.Dès juillet-août, les jeunes volants fréquentent des zones ouvertes (prairies, coupes forestières, chemins) la nuit.
En période d’hivernage, la bécasse fréquente divers milieux : bois et forêts le jour, milieux ouverts, notamment les prairies, la nuit. Tous les milieux forestiers lui conviennent à l’exception des vieilles futaies uniformes. Les jeunes taillis et/ou les humus de type mull sont particulièrement recherchés. Les prairies permanentes pâturées sont les meilleurs milieux nocturnes, en raison de leur fortes densités en vers de terre et en larves.
Lors de la migration, la bécasse peut se rencontrer dans des milieux très divers : taillis, haies, dunes, champs cultivés. Les prairies permanentes sont très fréquentées, la nuit, au cours des haltes migratoires.
Répartition géographique
La Bécasse des bois est largement répandue en Eurasie. Son aire de répartition est comprise approximativement entre 50°N et 60°N et entre l’extrême ouest des îles Britanniques et la côte du Pacifique, jusqu’à 160°E.
L’aire de nidification au sens strict comprend essentiellement la Fennoscandie, les Pays Baltes, la Russie, la Biélorussie et les pays d’Europe centrale.
L’aire d’hivernage au sens strict concerne le pourtour de la Méditerranée : moitié sud de la péninsule Ibérique et de l’Italie, côtes de la Grèce, moitié sud de la Turquie, Syrie, Liban, Israël, Jordanie, nord de l’Egypte, Libye et frange côtière des pays du Maghreb.En Asie, l’espèce hiverne en Inde, au Sri-Lanka, et dans l’ensemble du Sud-Est Asiatique, dont la Chine.
Une aire intermédiaire, intercalée entre l’aire stricte de reproduction et l’aire stricte d’hivernage, accueille la bécasse toute l’année. Les Iles britanniques et la France forment le coeur de cette aire intermédiaire dans le Paléarctique occidental.
La faible superficie de l’aire d’hivernage contraste avec l’étendue de l’aire de reproduction. La grande majorité des bécasses européennes hiverne dans les régions proches du littoral Manche-Atlantique (Iles Britanniques, France, Espagne, Portugal) et sur le pourtour méditerranéen (pour l’essentiel France et Italie).
La répartition des populations varie selon l’origine des bécasses. Les oiseaux les plus nordiques et orientaux (longs migrateurs) hivernent le plus au sud et à l’ouest de l’aire d’hivernage. A l’extrême les oiseaux nés en France ou en Grande-Bretagne, par exemple, sont quasiment sédentaires. A une région d’hivernage donnée semble correspondre une origine géographique dominante.
Trois populations sédentaires vivent aux Açores, aux Canaries et à Madère.
Distribution de l’espèce en France
En France, l’aire de reproduction concerne essentiellement le Bassin parisien au sens large, le quart Nord-Est et les régions montagneuses : Massif central, Pyrénées, Alpes, Jura. La bécasse peut être observé partout en période de migration. En revanche, en hivernage la majorité des effectifs se rencontrent dans les régions littorales Manche-Atlantique et sur le pourtour de la Méditerranée.
Statut juridique
- Directive « Oiseaux » 79/409 CEE : annexe II/1 et III/2
- Convention de Berne : annexe III
- Convention de Bonn : annexe II
- Chasse autorisée partout en Europe sauf aux Pays-Bas, en Belgique (Flandres) en Slovénie et dans les cantons Suisse germanophones
Mesures réglementaires en France
En France, la chasse à la passée et la chasse à la croule sont interdites ainsi que la commercialisation. L’espèce est chassable de l’ouverture générale au 20 février.
De nombreux départements ont mis en place des PMA (prélèvement maximum autorisé) avec ou sans carnet de prélèvements. Le plus souvent, un PMA journalier et un PMA annuel ont été instaurés.
Etat des populations et menaces potentielles
Etat des populations
L’effectif total de bécasse des bois en Europe est inconnu. La biologie de l’espèce et nos connaissances actuelles nous permettent en revanche d’appréhender la tendance démographique des effectifs nicheurs de certaines populations.
En France, une méthode de recensement spécialement mise au point pour l’espèce en période de reproduction est appliquée depuis 1992. L’effectif nicheur français apparaît stable. Les effectifs nicheurs sont également considérés comme stables en Suède, en Finlande, en Norvège mais en augmentation au Danemark. En Grande-Bretagne et en Suisse ils seraient en diminution.
Aucune information sur les tendances des effectifs reproducteurs n’est disponible en Russie, alors que ce dernier pays rassemble une partie importante des populations européennes.
Les effectifs hivernants varient d’une région à l’autre en fonction des conditions climatiques.
Néanmoins, ils sont considérés comme stables en Irlande, en Italie, en Espagne, et en Grande-Bretagne. Ces résultats doivent malgré tout être pris avec précaution dans la mesure où ils sont établis à partir des tableaux de chasse et que la relation entre ces tableaux et l’effectif de la population n’est pas parfaitement établie. En France, les effectifs hivernants subissent d’importantes fluctuations inter-annuelles mais apparaissent stables, voire en augmentation. Dans tous les autres pays, le statut des hivernants est inconnu.
Les effectifs en migration d’automne sont considérés comme stables au Danemark depuis 30 ans. Ils seraient en augmentation en Allemagne.
Statut de conservation
Les effectifs de bécasses des bois dans le Paléartique occidental sont considérés comme stables par Wetlands International
L’espèce est considérée comme modérément en déclin et provisoirement vulnérable en hiver (catégorie SPEC 3W) par BirdLife International. Cette organisation comme l’UICN la classe toutefois dans la catégorie « Préoccupation mineure » à l’échelle de son aire de répartition.
Menaces
Les connaissances actuelles ne mettent pas en évidence de menaces particulières. Plusieurs sont cependant couramment évoquées sans que leur impact n’ait jamais été mesuré.
- La perte d’habitat serait le principal facteur limitant pour la bécasse. L’enrésinement, la fragmentation, le vieillissement des forêts, les pluies acides, la diminution de la superficie en prairies permanentes sont cités comme facteurs pouvant affaiblir la capacité d’accueil. Au Danemark et en Suède, en revanche, l’habitat potentiel se serait amélioré en raison de pratiques sylvicoles plus respectueuses de l’environnement.
- Les vagues de froid peuvent entraîner localement une mortalité importante. Mais, surtout, elles provoquent des déplacements de la population hivernante vers les zones littorales. L’augmentation des densités en région côtière accroît la vulnérabilité de l’ensemble de la population. Les oiseaux regagnent leurs sites d’hivernage initiaux dans un délai d’une à deux semaines après la fin de la vague de froid.
- Les prélèvements cynégétiques sont estimés à 3 – 4 000 000 de bécasses chaque année en Europe dont 1 000 000 en France. Trois pays (France, Italie et Grèce) rassembleraient 80% du total des prélèvements européens mais l’acquisition d’informations pour la péninsule ibérique pourrait modifier cette répartition. L’augmentation de la pression de chasse sur cette espèce est fréquemment évoquée par les chasseurs eux-mêmes. Si cette tendance devait se confirmer, elle pourrait à terme mettre en danger les populations de bécasses dont les taux de survie estimés à ce jour s’avèrent faibles.
Propositions de gestion
Pour l’essentiel les actions de gestion à développer à l’heure actuelle concernent le suivi des populations et les prélèvements cynégétiques.
Le suivi des effectifs nicheurs, tel qu’il est pratiqué en France depuis plus de 10 ans, devrait être étendu à l’ensemble de l’aire de reproduction.
De même, des estimations de prélèvements cynégétiques fiables et régulières sont indispensables. C’est le cas pour quelques pays (Danemark, Russie), mais malheureusement pas pour ceux qui prélèvent le plus comme la France ou l’Italie.
Des outils de régulation des prélèvements, comme le PMA, doivent être mis en place le plus rapidement possible. Ce PMA doit être modulable en fonction de l’avancée des connaissances. Ainsi, l’exploitation durable des populations de bécasses pourra-t-elle mieux être en accord avec leur état de conservation. La réglementation actuelle prévoit la mise en place de PMA, soit par arrêté ministériel, soit par arrêté préfectoral.
Toute action visant à maintenir des prairies permanentes pâturées est également nécessaire pour offrir des ressources alimentaires optimales aux bécasses en hivernage. En outre, une exploitation forestière permettant le maintien de plusieurs classes d’âge dans les peuplements ainsi qu’une mixité des essences et conduisant à des sols à humus de type mull doit être encouragée.
Axes de recherches à développer
- Définition des caractéristiques écologiques des habitats favorables en période de reproduction dans l’aire principale de nidification.
- Définition et importance des facteurs conditionnant la réussite de la reproduction :facteurs climatiques, prédation, essentiellement.
- Analyse des données du baguage pour suivre l’évolution de la pression de chasse.
- Mise au point de modèles prévisionnels d’abondance en hivernage afin de moduler les prélèvements en fonction du succès annuel de reproduction.
Bibliographie
FERRAND, Y. & F. GOSSMANN (2009) – La Bécasse des bois, histoire naturelle. Effet de lisière – éditeur. 224 p.
FERRAND, Y. & F. GOSSMANN (2001) – Elements for a Woodcock (Scolopax rusticola) management plan. Game and Wildlife Science, Vol. 18(1), march 2001, p.115-139.
SNOW D.W. & C.M. PERRINS (1998) – The Birds of the Western Palearctic. Concise edition. Vol.1 Non-Passerines. Eds. Oxford University Press.
Rédacteur : Yves Ferrand – 11/09
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